La genèse d’un roman post-apocalyptique
Tiens ? En écrivant cette phrase, je me dis que, même inconsciemment, j’écris par références interposées. En effet la Genèse, premier livre de la bible, marque de son empreinte le début de l’Ancien Testament. Quant au livre de l’Apocalypse, appelé aussi Révélation de Jésus-Christ, il constitue l’ultime et dernière partie de la bible, du Nouveau Testament plus précisément.
Voilà bien l’Alpha et l’Omega, le premier et le dernier, d’un grand tout qui entend nous révéler une certaine histoire de notre humanité. Mais ceci est un autre débat.
Pour en revenir au roman l’Apocalypse de Roger, tout a commencé il y a une dizaine d’années. Fourbissant mes premières armes d’apprenti auteur au sein d’un atelier d’écriture, dont je ne me souviens plus du nom, notre maître d’écriture nous avait proposé un thème intitulé « Changement de règles ». Il fallait décrire un personnage, peu importait son époque, respectueux des règles et qui, un jour, allait être confronté à un changement profond. Comment allait-il se comporter ? Allait-il respecter ce nouveau canon politique, ce nouvel idéal selon les responsables du moment ? Ou bien allait-il finir par se rebeller, considérant ces règles inhumaines, et tentant à sa manière de changer les choses ?
Voilà bien un vaste sujet. Quoi écrire ? Après quelques jours de réflexions – intenses les réflexions ! ☺ –, je me suis dit que mon protagoniste devait être confronté à une situation très forte. Quelque chose qui devait changer radicalement son point de vue sur ses congénères et qui devait ébranler son sacro-saint respect des règles. Jusqu’à quel point allait-il supporter l’insupportable ? Et finirait-il en fin de compte par se rebeller contre l’ordre établi en renversant la situation à cause de, ou grâce à, une apocalypse ? Mot qui évoque une catastrophe majeure, la fin du monde – dans mon histoire la fin de son monde –, mais dont le sens premier signifie aussi révélation.
J’ai donc choisi dans notre histoire contemporaine l’innommable que l’on a pourtant nommé « Holocauste ».
Entendons-nous bien, ô lecteur adoré, je n’ai en rien écrit un roman sur l’Holocauste, moult auteurs et non des moindres l’ont déjà fait avec talent. J’en veux pour preuve le roman de Primo Levi, Si c’est un homme, La mort est mon métier de Robert Merle, La nuit de Elie Wiesel, Le train de la mort de Christian Bernadac et bien d’autres encore. Je le répète, j’écris sans aucune prétention historique. Je me contente d’emprunter certains aspects de cette terrible histoire, en m’appuyant sur des témoignages (cf. sites Internet indiqués à la fin du roman), afin de les incorporer à mon récit par effet miroir aux expériences de mes personnages. Une mise en abyme posant ce postulat : la vie est comme un ruban de Möbius nous condamnant à revivre peu ou prou des expériences similaires.
Dans L’Apocalypse de Roger, du jour au lendemain, et ce, malgré une vie exemplaire et respectueuse de l’ordre en général, Roger Vécisse se trouve embarqué, à l’instar de millions de personnes, dans une tornade qui balaie tout sur son passage. Il était bon, il devient mauvais. Un citoyen exemplaire rayé d’un trait de plume de la société, changé en paria par le nouveau régime en place. Régime à la tête duquel est nommé en 2133 un certain Müssler qui va tout faire pour imposer ses vues racistes et ségrégationnistes. De Müssler à Hitler il n’y a qu’un pas, me direz-vous en m’opposant l’argument du point Godwin, selon la loi du même nom, que j’ai atteint rapidement. Mais je répondrais que c’est pour la bonne cause. En effet, qui peut savoir de quoi précisément l’avenir sera fait ? Dans notre passé, pas si lointain que cela, il y eut déjà le génocide des peuples Herero et Nama entre 1904 et 1908, sur le territoire actuel de la Namibie, par les forces du deuxième Reich. Crime de l’histoire coloniale considéré aujourd’hui comme le premier génocide du vingtième siècle. A-t-on appris de notre histoire commune ? Non, la Première Guerre mondiale et industrielle pointe son nez. Ne devait-elle pas être la « der des der » ? Le génocide arménien… La Shoah, bien sûr… et les civils et militaires morts par millions durant la Seconde Guerre mondiale. Les crimes de masse de Staline… Là c’est sûr on a compris notre stupidité… Eh bien non ; la terreur sous Mao, les massacres de Pol Pot au Cambodge, le génocide des Tutsi au Rwanda… Tout ça me donne le tournis, l’être soi-disant humain me désespère. Sans parler de la montée actuelle du populisme ainsi que la recrudescence des mouvements suprémacistes, fascistes, voire nazis ou négationnistes malgré notre connaissance de l’Histoire.
Alors, comment restituer la rage et le dégoût qui m’ont tant oppressé ? Traiter un tel sujet en ne l’abordant que par la nouvelle me forçait nécessairement à prendre des raccourcis. Un goût d’inachevé qui instilla en moi, quelques années plus tard, l’idée que je pourrais en faire un roman. Surtout après la visite que je venais de faire, un certain jour du mois d’août, au camp de concentration du Struthof, le KL (Konzentrationslager) Natzweiler. Mais ceci sera l’objet d’un prochain article.
Une belle introduction pour un parcours d’écriture que j’ai suivi depuis le temps de l’atelier d’écriture dont » tu ne te souviens plus du nom ». Me voici ramenée à de bien plaisants et riches souvenirs de cette période déjà lointaine. Quant au sujet, oui, il est désespéramment inépuisable puisque la folie des hommes n’a aucune limite temporelle ni géographique ni idéologique. J’attends avec impatience la suite de tes articles. Beau blog, par ailleurs 🙂
Merci, Catherine. Du temps a passé depuis cet atelier d’écriture, dont « je ne me souviens plus du nom » 🙂 🙂 et qui veut reprendre apparemment les activités qu’il avait abandonnées, et chacun a continué ses activités d’écriture à son rythme en travaillant des sujets lui tenant à cœur. Pour mon cas, comme je l’ai expliqué dans ce premier article, Roger Vécisse m’a tenu en haleine depuis fort longtemps. Car oui la folie des hommes est un sujet inépuisable et souvent lesdits hommes ont tendance à répéter peu ou prou les mêmes erreurs, ne sachant pas ou ne voulant pas apprendre de ce que peut leur enseigner l’Histoire avec un grand « H ». Alors, à mon petit niveau, j’ai eu envie de m’exprimer sur le sujet, d’où la sortie de ce roman et ces quelques articles de blog. À ce propos, je féliciterai la conceptrice du blog de ta part ! (Elle a déjà réalisé un site Internet pour un avocat, alors un blog c’était une promenade de santé.) 🙂