L’envie d’écrire

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L’envie d’écrire a le pouvoir de cautériser certaines plaies, réparer quelques blessures. La force des mots peut faire tomber des forteresses de solitude, briser les chaînes qui empêchent nos ailes de se déployer, voire nous faire abjurer des maux sous notre propre regard de lecteur, puis éventuellement sous celui des autres, de tous les autres.

Certaines personnes tiennent très tôt un journal intime où elles déposeront leurs secrets, leurs rêves, leurs rancœurs ou même y régleront certains comptes avec leur patron, avec le mal embouché du quatrième qui pend pour la quinzième fois sa crémaillère ou avec leur belle-mère qui leur ressert son sempiternel discours du « c’était mieux avant ».

Moi, l’envie d’écrire m’a pris un petit matin. Je marchais sur un chemin forestier, le souffle court, l’âme grise, les idées noires, le corps embrouillé de fatigue et d’abattement. Et là, sans en connaître la raison, j’ai des bouts de phrases qui me traversent l’esprit. Comme un courant d’air, un genre de vent mauvais me picotant les neurones : « Dans les ruines pourpres du sang des infidèles, la mort se repaît d’un ultime repas. Le matin les avait vus monter vers les cimes, la nuit les envelopperait de son manteau sanglant. » Je les adore ces vers. Je ne me souviens plus qui les a écrits, mais ils dansent une gigue du diable dans ma tête de promeneur. Vais-je les retenir ? À peine rentré à la maison, je m’empare de ma plus belle plume, mon traitement de texte en fait, et je les couche sur le papier. C’est un bon début, je me suis dit, mais maintenant il faudrait ajouter un milieu et une fin pour en faire quelque chose. Pourquoi pas sous forme de poésie ? Ça parlerait des poilus, des tranchées, de la peur de mourir, des joies simples, aussi. Et c’est ainsi que l’écriture a exercé sur moi une forme de thérapie. J’ai expulsé de mon cerveau toutes les horreurs que j’ai découvertes au musée de la Grande Guerre et je les ai enfermées, à double tour, dans mon récit-coffre-fort.

Quelques semaines après, voilà que l’envie d’écrire me titille à nouveau : j’aimerais donner le goût de la lecture à mes enfants. Qu’à cela ne tienne, je vais en faire les héros d’une aventure palpitante. Ils se trouveraient confrontés aux dangers de Crétacé, aux pièges mayas de Chichén Itzá, en passant par un complot intergalactique ou aux jeux du cirque dans la cité Sulbanecte d’Augustomagus. À leurs risques et périls, bien sûr. Mais bon, ceci est une autre histoire…

Cet article a 2 commentaires

  1. Oui, tu as raison, c’est un salutaire exutoire, un moyen jubilatoire (car ça l’est, d’écrire, n’est-ce pas ? ) un exorcisme profond. Mais je rebondis sur ce que tu dis ; l’envie d’écrire ici est provoquée par un état d’être, qui l’a rendue possible, voire indispensable. Mais c’est un peu l’œuf ou la poule. L’état d’être n’a peut-être rien initié, mais tout simplement révélé, rendu soudain visible que tu as toujours eu cette envie, que tu étais, comme on dit un peu bêtement, « fait pour ça ?  »
    Qu’importe, au fond. l’essentiel est là : continue d’écrire.

  2. Philippe Renaissance

    Tout à fait d’accord, Joëlle. Au début, comme une bouée de sauvetage pour moi après quelques soucis… Puis sont venus le plaisir et l’envie. Plaisir d’écrire une histoire, plaisir de faire évoluer des personnages, dont certains ont la fâcheuse tendance à vouloir mener leur vie de leur côté. L’envie de travailler la phrase. L’envie de travailler les sonorités en lisant à haute voix mon texte. L’envie d’être lu, enfin. C’est une gymnastique salutaire, alors je persiste et j’écris.

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