Guerre totale

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Source photo Mount and Blade

La bataille durait depuis deux heures : cent vingt minutes d’âpres combats. Un ressentiment millénaire les opposait. Une aversion mâtinée d’un trait d’agressivité les poussait inexorablement sur les contrées du rival de toujours. D’échauffourées en expéditions punitives, les deux monarques s’étaient finalement déclaré la guerre. Une guerre totale, fratricide. En d’autres termes : il ne serait fait aucun prisonnier.

Les fantassins blancs avançaient de manière concentrique, afin d’étouffer l’adversaire noir. Ils avaient l’avantage de la surprise en déclenchant les hostilités, et tentaient de débander les lignes noires.

Dès les premiers instants, celles-ci avaient essuyé de lourdes pertes. La raison en était simple : le haut commandement blanc avait fait sienne la doctrine militaire Choc et stupeur. De ce fait, il conduisait des offensives éclair, puissantes et en de multiples endroits. Cette tactique éprouvée devait déstabiliser psychologiquement et physiquement l’ennemi. Toute volonté annihilée, il abandonnerait séance tenante. Elle permettait également d’économiser beaucoup de blancs.

Mais aujourd’hui, le plan ne fonctionnait pas. Les noirs résistaient au blitz. Pire, ils organisaient leur contre-attaque en vue de riposter efficacement. Ébène, le grand roi noir avait ordonné à sa cavalerie d’enfoncer les rangs ennemis. « Taillez-leur des croupières », avait-il hurlé à ses troupes. Et de fait, les chevaux noirs zigzaguaient sur le pré, en semant la panique parmi les combattants blancs.

Soudain, le clairon retentit. Sur ordre de Sa Majesté Pugnace, les cavaliers blancs furent engagés. Ah, quelle empoignade ! Ça jurait, cognait, ferraillait, tranchait en abondance ! Les plus valeureux souhaitaient atteindre le camp royal adverse, afin de faire rendre gorge à ce maudit roi Ébène !

Les colonnes des deux camps subissaient des dommages si considérables, que l’on ne saurait dire qui allait l’emporter. Cependant, un détachement de fantassins noirs arriva très près du château blanc ; mettant en danger, pour la première fois, l’intégrité physique du roi blanc. Ils repoussèrent la garde et pénétrèrent dans la tour.

Mais, ils n’avaient pas prévu le courage de Mathilde, la reine blanche. Elle s’était vouée entièrement à son mari. Depuis leur sacre, ces deux-là ne formaient plus qu’un. C’est donc bec et ongles qu’elle défendit son royaume. Grâce à ses qualités de guerrière, elle réduisit en cendre les cavaliers noirs qui osaient menacer la couronne blanche.

Les noirs commençaient à montrer des signes de fatigue. Dès lors, perdus pour perdus, ils jetèrent leurs fous dans le conflit. Les aliénés rugissaient, la gueule tailladée par la haine. Comme ils étaient fous, ils ne marchaient pas droit, et leurs mouvements étaient difficiles à anticiper. En réponse, Pugnace appliqua la loi du talion : dent pour dent, œil pour œil, fou pour fou. Il fit ouvrir ses asiles et lança ses déments blancs.

Les armures blanches et noires se choquaient, s’entremêlaient… Si bien, qu’au bout d’un certain temps, on ne distinguait plus que du gris. Quel carnage sur ce champ de bataille !

Certains chroniqueurs de l’époque – réalité ou affabulation ? – rapportèrent avoir vu les donjons bouger et s’entrechoquer. Pierres contre pierres ; murailles contre murailles.
« Il ne doit en rester qu’un ! » s’époumonait Pugnace le blanc.
« Je vais te mater ! » grondait Ébène le noir.

On ne comptait plus les morts, tellement nombreux ! Les deux reines s’étaient sacrifiées. L’infanterie, éliminée. La cavalerie, culbutée. Les fous du dernier recours, mis en pièces. Même les tours s’étaient effondrées.

Au terme de cette journée d’horreurs, seuls les souverains Pugnace et Ébène restaient en vie. Affaibli, aucun des deux ne prenait le dessus sur l’autre.

— Merde ! Kevin. C’est quoi cette politique de la terre brûlée ? Impossible de mater maintenant ! cria André.
— Ça s’appelle un nul, gros naze ! Je ne pouvais pas gagner cette partie d’échecs, donc j’ai misé sur le nul.
— OK, acquiesça André dans un geste qui se voulait magnanime. Mais n’oublie pas que demain ce sera moi les blancs, j’aurai le trait. Alors Kevin, gare à tes fesses de petit noir !

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