Tel un insecte de métal, l’hélicoptère rugit au détour d’un pic enneigé. Le sportif surentraîné saute au sommet d’une crête vertigineuse. Devant lui, la pente court sans fin vers le bas et les bords, très escarpés, menacent de s’affaisser. Mais rien n’arrêtera « le Givré » de l’extrême.

Voilà que l’insecte à rotors stridule et repart dans une gerbe de poudreuse.

Le héros reste seul face à l’impossible, face à lui. Il porte une combinaison noir corbeau piquetée de taches de couleurs. Son casque réfléchit la lumière, ses lunettes ne laissent entrevoir nul regard. Il s’attache à son snow-board, agite une main en guise d’au revoir, et s’élance dans le vide.

L’inconnu le motive, l’adrénaline le pousse. Toujours plus vite. Il dérape, s’équilibre d’une main crochetée dans le manteau neigeux. Voilà qu’il remonte, entraîné par l’élan, et saute de nouveau. Au passage, il touche la cime d’un arbre avec sa planche. Fabuleuse combinaison de matériaux composites renforcés par du kevlar, ornée d’un taureau rouge qui charge toutes cornes baissées, elle luit d’un beau reflet gris anthracite. Cette lame furtive glisse sur la neige. N’existant pas pour elle, elle traverse le paysage comme un fantôme. Voilà que des roches acérées se profilent. Elles se jettent sur le surfer à une vitesse vertigineuse. Sans peine, il exécute des figures magiques, presque de la danse acrobatique : position de traverse, virage couché. Tel un héros masqué qui esquive et qui feinte, il se rit des obstacles. Il ne méprise pas le danger, il le maîtrise.

 Le vent fouette son visage, les petits pompons de son bonnet s’agitent comme deux diablotins pris dans une sarabande infernale. Sous ses pieds, le surf respire. Cette chose vivante semble décider pour lui. L’alliance parfaite entre l’humain et la machine. Un homme-surf ou un surf-homme, surhomme des montagnes. L’osmose les transcende !

Une dernière bosse, le saut de trop ?

Non. Il s’arrête et repousse l’écume floconneuse autour de lui. Il retire ses lunettes, son bonnet. De magnifiques cheveux noir jais ondulent dans le vent. Deux yeux bleus parfaitement maquillés me transpercent. La championne m’observe et me sourit. Un « surfeur d’argent », brodé sur sa poitrine, me fixe et s’esclaffe en comprenant mon étonnement. L’espace d’un instant, le mirage s’installe…