D’Adrian Tchaikovsky
Sur la route de la bibliothèque municipale, je me dis : « Tiens, j’emprunterais bien un roman. Un récit de SF. Un univers qui me permettrait de déconnecter de ce monde horriblement terre à terre, ne m’apportant que son lot de misère et… »
Je m’emballe un peu, certes.
Donc me voilà arpentant les allées du temple municipal du savoir et aussi de l’entertainment comme on le dit dans notre belle langue de Molière revue et corrigée par nos amis anglo-saxons.
Les rayons.
Ça non… Lui ? Non plus… Ah ? Je n’ai pas le plaisir de connaître :
Sur la route d’Aldébaran, d’Adrian Tchaikovsky.
Édition Le Bélial, maison sérieuse. OK !
Couverture attrayante, qui permet à mon imagination de voguer quelques secondes à bord d’un magnifique galion interplanétaire hors des murs du bâtiment dans lequel je me trouve. Bon signe. OK !
Quatrième de couv’ aux petits oignons, là c’est clair je suis de plus en plus convaincu.
La 4e de couv’
« Aux confins du système solaire, la sonde spatiale Kaveney découvre… quelque chose – une structure fractale gigantesque dotée d’une propriété étonnante : elle semble présenter la même face quel que soit l’angle sous lequel on l’observe. Vite surnommé le Dieu-Grenouille en raison de son apparence vaguement batracienne, l’artefact fascine autant qu’il intrigue, d’autant que son origine non-humaine ne fait guère de doute. Face à l’enjeu majeur que représente pareille trouvaille, un équipage international de vingt-neuf membres est constitué. Avec pour mission, au terme d’un voyage de plusieurs dizaines d’années dans les flancs du Don Quichotte, de percer les mystères du Dieu-Grenouille. Or, ce qui attend ces ambassadeurs de l’humanité défie tous les pronostics. Toutes les merveilles. Toutes les horreurs… »
C’est de la bombe, non ? À part cette faute d’orthographe sur non-humaine. Un non-humain (nom) est d’origine non humaine (adjectif). D’accord, je fais aussi des fautes mais là, merde ! c’est le Bélial nom d’un p’tit bonhomme ! Bon, OK quand même.
La petite phrase marketing de l’Épaule d’Orion : « C’est référencé, c’est horrible et c’est drôle. À lire sans hésitation. » L’épaule d’Orion est un blog sur les littératures de l’imaginaire : science-fiction, fantastique et fantasy. Le nom est un hommage à Blade Runner, et plus particulièrement au monologue de Roy Batty. (À lire dans l’onglet « À propos » du dit-blog.)
Là je me dis : Bon sang ! mais c’est bien sûr, avis éclairé. OK !
Petit tour sur le Net pour pêcher deux, trois infos sur l’auteur. Je ne connais pas tout, d’où mon regard émerveillé sur le monde qui m’entoure (si, si), et en plus la bibliothèque est très bien pourvue façon Tech. Que lis-je, que découvré-je… 🙂
Adrian Tchaikovsky est surtout connu pour avoir remporté le prix « Arthur C. Clarke » en 2016, avec son roman La toile du temps et le « British fantasy » en 2017 pour son roman The Tiger and the Wolf. Le 23 janvier 2019, il a reçu un doctorat honorifique en arts de l’université de Lincoln.
Auteur : OK !
Cinq « OK » clignotent au fond du truc installé dans ma tête, entre mes deux oreilles. Damned ! Ce coup-ci l’affaire est dans le sac, enfin le roman est dans ma musette.
« La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire tout humide » et j’attaque la lecture. J’ai mis un peu d’Alphonse Daudet dans ce texte, Les lettres de mon moulin, histoire d’agrémenter ma chronique de jolies phrases, ô adorables lectrices et lecteurs.
Le roman est une novella que j’attaque bille en tête. Je sais que l’auteur ne va pas s’attarder sur l’expédition, sur l’ensemble des personnages qui sont pour le coup hyper secondaires. Non, il va suivre les pas de Gary Rendell, astronaute choisi par plusieurs agences gouvernementales pour faire partie des vingt-neuf membres d’équipage du vaisseau spatial le Don Quichotte. Vous savez Don Quichotte, le type qui s’attaque aux moulins à vent.
Donc Garry est le narrateur. Il nous raconte ses pérégrinations au sein de cet artefact trouvé au large d’Orion et atteint grâce à la fameuse hibernation. Cet objet au nom évocateur de Dieu-grenouille (dans la mythologie égyptienne, la grenouille était considérée comme un être primordial en raison de sa fécondité et de ses transformations. Transformations ? Tiens tiens…) m’évoque un méga trou de vers permettant d’accéder à différents univers par l’intermédiaire de portes. Artefact, apparemment emprunté par moult extra-terrestres ovoïdes, pyramidaux, métalliques, gluants et j’en passe…
Vite fait bien fait, sur les six astronautes désignés d’office pour parcourir le Dieu-grenouille, quatre se font dézinguer par un alien venu d’on ne sait où. Seuls Karen Aanbech, la collègue de Garry, et lui s’en tirent vivants mais perdus chacun de leur côté. Il s’avère que la communication entre eux et avec le vaisseau Don Quichotte est devenue impossible.
Donc le gars Rendell erre des jours, des mois, des années, il ne sait plus, pour tenter de retrouver les siens qui seraient venus à son secours, ou tout du moins pour tenter d’établir une communication avec son vaisseau. Sauf qu’à l’intérieur de l’objet parsemé de Cryptes, tout est fait pour le paumer. Les densités sont différentes de Crypte en Crypte, l’atmosphère est plus ou moins riche en oxygène, voire pas du tout, et les rencontres du 3e type s’enchaînent avec des… types issus d’autres mondes avec lesquels il est si difficile de communiquer. Vous imaginez la difficulté de communiquer avec votre voisin de palier venu d’ailleurs, dans votre tour d’habitation au fin fond d’une banlieue, zone de non-droit qui plus est ? Là c’est pire. Alors Garry Rendell se met à causer à une hypothétique personne, un certain Toto. Lui-même, peut-être.
Un brin shakespearien sauf que je ne ressens rien. Le « modeste » lecteur que je suis passe à côté du tragi-comique de la situation. Nada. Oualou. Le vide interstellaire. Je pensais évoluer à côté de Garry, je me sens à des années-lumière de lui. J’imaginais ressentir sa faim, le bougre a terriblement faim et il bouffe à peu près n’importe quoi, à côté McDo c’est de la haute gastronomie. Ressentir ses peurs, ses moments de folie, de doute. Rien, rien, RIEN !
Jusqu’à la fin, rien. Au moment de la fin, rien. Juste un : « Ah ? Tout ça pour ça ? »
Bon ben, je me suis fourvoyé en empruntant ce bouquin. Cette histoire n’était pas pour moi. J’aurais dû me douter que cent quatre-vingt-quatre pages c’est peu pour développer. Errare humanum est, perseverare diabolicum. (Je traduis pour celles et ceux qui ont perdu leur latin : L’erreur est humaine, la persévérance dans l’erreur est diabolique.) Mauvaise pioche. En tant que lecteur, j’aime ressentir. Je ne dirai pas que j’aime m’identifier, le ou les personnages ont leur vie propre et j’adore les voir se débattre avec leurs problèmes, exprimer leurs doutes, leurs ressentis. Mais dans ce récit, aucune émotion (enfin pour moi) et c’est ce que je recherche. C’est plat comme l’onde cérébrale d’un pensionnaire de maison funéraire en attente d’être expédié direction six pieds sous terre.
En fait, c’est un roman d’ambiance. Certains disent même ambiance horrifique. Horrifique ? Ah bon, d’accord !
Donc si vous aimez les textes d’ambiance, cette novella est faite pour vous. Pour les autres, passez votre chemin.